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Bloc de texte #Pompéi

Plusieurs textes sur le même moule / la même forme : un bloc plus ou moins carré, un seul paragraphe, l'ambition de faire une sorte de condensé clos sur soi et que des images ou des réalités fortes et nettes s'en dégagent. Les autres textes sur le même moule sont tous titres Bloc de texte #...


Elle lui avait dit vas-y, ou plutôt va, va, dans un mauvais espagnol qui ne maîtrisait pas les formes un peu subtiles du présent de l’impératif, elle le lui avait conseillé comme on lance quelque chose du fond du cœur, et il y était allé. Le lendemain. Le train jusqu’à Pompée. C’est là. Oui. Des pierres qui se souviennent. Un silence comme une petite traînée de poussière. Il y a peu de groupes, peu de japonais, il prend des photos. A Naples il a acheté un appareil jetable. C’était une arnaque, une contrefaçon mais il ne le sait pas encore. Pour l’heure il prend des photos. C’est un touriste solitaire. Le soir tombe. On devine les maisons, les ruines, les éclats de voix emportés dans les volcans, dans les guerres. Les voix sont aspirées dans l’entonnoir des cars et seul reste là ce personnage de Le Clézio, toujours le même, cet enfant, ce Mondo, ce berger qui observe les gens et les grands et les vrais ignorants des vérités des pierres et de la poussière et du vent, quand le soir tombe et tout reste solitaire. Les guichetiers ont fermé leur cahute, les vendeurs de canettes ont fermé leur cahute et les derniers trains et les derniers cars sont partis en soulevant de la poussière. Une fille apparaît derrière un rocher. Elle n’a pas de bagage. Lui n’a pas de bagage, il n’a qu’un appareil photo qui est une arnaque et une Mastercard qui est c’est sûr un passeport très valable. Quand elle parle il pense à cette interjection Kaï ! Kaï ! que disent les wolofs et qui signifie Viens ! Approche ! Alors il marche avec elle dans la pierraille de la petite montagne. Sous les chaussures les pierres claquent et soulèvent à peine de la poussière – répliques en miniature du départ des cars de touristes tout à l’heure. Ils s’assoient derrière un arbuste rabougri. Ils grimpent à califourchon l’un derrière l’autre sur le tronc d’un arbre mort et figé à l’horizontal. Vieille poutre sortie du sol, poussée à l’horizontal ou tombée du ciel. Elle crie Ya ! Ya ! A dada ! comme un enfant. Alors le soir qui tombe de l’autre côté des montagnes imprime un peu de peur, éloignement, ennui, poussière, voire faim et soif et silence dignes d’un village de brousse, loin du goudron, vers Matam, dans le Fouta, quand le soleil donne et tape si fort que rien n’est possible d’autre que l’attente derrière une toile et tout s’entend, les cris au loin de l’enfant berger et les zébus en approchant qui font lever de la poussière, un peu comme les cars des groupes de voyage organisé, pense-t-il.

Ne pas se fier aux dates
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